Qui veut la peau des féministes ? #1 – Les femmes

6 Août

Contrairement à ce qu’on pourrait penser intuitivement (et notamment en voyant les couilles brandies fièrement pendant longtemps sur le site des Femen), les pires ennemis des féministes ne sont pas les hommes. D’ailleurs il faudrait mettre un petit « e » à ennemi pour deviner de qui il s’agit.

Bravo, vous avez gagné un bisou de Monsieur Bescherelle pour vos déductions orthographiques, il s’agit bien… des femmes.

Bien que ce soit la révélation de l’année (si si, j’insiste), ça parait en fait plutôt logique : pour savoir ce que veulent les femmes, le mieux est quand même de leur demander ce qu’elles veulent. Si elles disent qu’elles aiment se faire belle, s’épiler intégralement, faire du shopping, être femmes au foyer et avoir un homme grand, fort et poilu du nez pour les protéger, pourquoi ne pas les croire. Après tout qui n’aime pas les poils dans le nez ?

Et si beaucoup de femmes prennent ce parti là, les féministes passent pour une minorité d’excitées qui veulent imposer à la majorité leurs délires de patriarcat, de mouvement de libération des poils, de genre et de harcèlement de rue.

L’une des caractéristiques du féminisme est d’entretenir une relation problématique avec la féminité dominante ou imposée, en ce qu’elle est, justement, un produit d’une société patriarcale. Autrement dit, ça veut dire que les féministes affirment que la féminité, telle qu’elle est représentée, est le produit de normes sociales. Celles-ci sont créées par ceux qui ont le pouvoir de les créer, et qui sont, encore aujourd’hui, le plus souvent les hommes.

Or, qui dit normes dit intériorisation. Et comme le dit la journaliste féminisite américaine Gloria Steinem : “The first problem for all of us, men and women, is not to learn, but to unlearn.”

Pour ceux qui ont séché les cours d’anglais, ça veut dire : « Le premier problème auquel nous devons faire face, homme comme femme, n’est pas d’apprendre, mais de désapprendre.»

C’est là la clef du problème : pourquoi les femmes ont-elles tendance à rejeter le féminisme ? Parce qu’il va à l’encontre de tout ce qu’on leur a patiemment et sans relâche inculqué depuis le berceau.

Et le succès du Tumblr « woman against feminism » le prouve (c’est d’ailleurs la première réponse automatique de google quand on tape seulement « tumblr anti »)

 

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Les idées sur le féminisme véhiculées par ce tumblr sont nombreuses, pleines de préjugés, et surtout contradictoires :

  1. Pour les féministes femmes jouent les demoiselles en détresse en se posant comme des victimes de la société / Les féministes sont agressives
féministe n'assumant plus son envie de tester le bondage vs féministe de bonne humeur

féministe n’assumant plus son envie de tester le bondage vs féministe de bonne humeur

 

2. Pour les féministes hommes sont de dangereux prédateurs / Les féministes sont jalouses des autres femmes qui reçoivent plus d’attention des hommes qu’elles

 

non aux pervers qui touchent les seins des mères de familles ou non aux salopes qui agitent leur boule devant les pères de famille ?

non aux pervers qui touchent les seins des mères de familles ou non aux salopes qui agitent leur boule devant les pères de famille ?

 

  1. Les féministes ne supportent pas qu’une fille soit sexy / Les féministes défendent les putes/ les féministes sont des dévergondées qui sont pour l’avortement, la fin du couple etc
Femme de pouvoir donc féministe ? sexy donc pas féministe ? libérée donc féministe ? Image véhiculée partout de la féminité donc pas féministe ? rha adieu monde simpliste !

Femme de pouvoir donc féministe ? sexy donc pas féministe ? libérée donc féministe ? Image véhiculée partout de la féminité donc pas féministe ?
rha adieu monde simpliste !

 

Bref, les féministes sont nulles quoi qu’elle fassent ou disent à partir du moment où elles sont identifiées comme telles.

Les revendications des femmes sur ce tumblr anti-féministes et celles des féministes semblent pourtant avoir la même aspiration : pouvoir faire ce qui les rend heureuses sans être jugées.

Mais alors que les féministes ne veulent pas être jugées par la société, ces femmes ne veulent pas être jugées par les féministes.

En même temps, répondre aux attentes de la société permet à la fois de ne pas trop se poser de question et d’être aimée de tous.

A cet égard, une histoire racontée par Sheryl Sandberg, la directrice des opérations de Facebook, est édifiante :

Une femme qu’elle connaît a expliqué à sa fille :

« Quand papa réussit au travail, les gens l’aiment plus. Quand maman réussit au travail, les gens l’aiment moins. »

Sa fille lui a répondu qu’elle n’avait qu’à moins bien réussir pour que les gens l’aiment plus.

Et voilà ! C’est quand même pas compliqué nan ?

Et c’est vrai qu’on pourrait se dire : A quoi bon trop réfléchir ? A quoi bon faire chier le monde alors qu’il suffit de faire ce qu’on nous demande pour être tranquille ?

Eh bien parce qu’il y a des gens qui souffrent à cause des normes imposées. Des filles qui s’affament ou se font entièrement refaire pour correspondre aux standards imposés. Des adolescents qui se suicident parce qu’ils sont mal dans leur peau.  Des gens dont la sexualité n’est pas épanouie parce qu’on ne leur a jamais dit que, pour avoir du plaisir, il faut être bien avec son corps et lâcher prise, à l’inverse de ce que nous rabâchent les magazines. Certaines femmes se font brûler le visage pour enlever leurs rides. D’autres se font couper les lèvres de leur sexe et le capuchon du clitoris parce qu’elles les trouvent anormalement longues. Et je pourrais continuer longtemps comme ça.

Alors oui, les féministes dérangent les femmes, parce qu’elles leur mettent le nez dans le caca de ce que la société leur impose. Et, comme tout le monde le sait, les filles ne font pas caca, donc ça leur fait un choc.

Alors je vais essayer de parler leur langage : Si toi aussi tu n’aimes pas les vergetures, ni la cellulite, que tu n’aimes pas ne pas te sentir en sécurité seule dans la rue, que le ménage t’ennuie, que les régimes te pèsent, que parfois tu te sens moche et que ton string te rentre dans les fesses : les féministes ont la solution à tes problèmes.

Viens, on est bien !

 

5 Réponses to “Qui veut la peau des féministes ? #1 – Les femmes”

  1. une catho progressiste 6 août 2014 à 22:57 #

    A reblogué ceci sur Blog d'une jeune catholique progressiste.

  2. ms 10 août 2014 à 17:55 #

    Les femmes rejettent le féminisme parce qu’elles aiment quand les hommes prennent les devants.

    L’article aurait pu être intéressant. Mais malheureusement, il s’agit d’un pamphlet contre les normes physiques que la société imposerait aux femmes, pas d’une réflexion sur le féminisme.

    • David Chaussure 19 août 2014 à 15:24 #

      Bonjour,

      Premièrement, je ne pense pas que toutes les femmes aiment quand les hommes prennent les devants. C’est un stéréotype.
      Deuxièmement, je pense que cet article produit bel et bien une réflexion sur le féminisme, puisqu’il souligne la relation problématique que rencontrent les « adeptes du féminisme » avec la féminité dominante. C’est un un angle d’attaque que je trouve pertinent et qui donne un point de vue tout à fait intéressant sur le sujet.

  3. kata 20 février 2015 à 15:37 #

    Dommage dommage…Article pas assez approfondie. Il aurait interessant de noter la part (qui moi me dérange) des féministes un brin anti-homme, qui se victimisent et qui ne prone pas l’égalité mais la supériorité des femmes (cachée bien sur). On aurait pu parler du slut-shaming qui n’a pas entendu une pote dire d’une fille « quelle salope » parce qu’elle a un « comportement sexuelle »

    Je ne me nomme pas « féministe » bien que je sois interessée par la question des femmes. Je prône plutôt l’égalité, et la recherche de son désir. Oui la société inculque des normes et des valeurs pas toujours biens, mais d’autres sont pas mal ça donne un cadre, une loi qui vient nous aider dans la question du bien/ mal. Au dela de la question de l’intériorisation de valeurs qui ne serait pas en accord avec nos propres valeurs mais qui aurait une incidence inconsciente (là je suis d’accord), il y a la question d’appropriation de valeur : est ce qu’elle me convient ? Est ce que j’ai envie de m’épiler totalement ? est ce qu j’ai envie de porter des jupes ? est ce que je me sens à l’aise à mettre du maquillage ?

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  1. Qui veut la peau des féministes #2 – Les Geeks | - 17 novembre 2014

    […] Pour voir le premier article de cette série, c’est par ici ! […]

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