Enquête intégrale et boules à zéro (2)

24 Juin

Si vous avez raté le début, c’est par ici.

Partie 2 : La secte de l’intégralisme

Pour commencer, étudions de plus près le phénomène de l’épilation intégrale et les différentes écoles de pensées qu’il a engendrées : d’un côté,  les Intégralistes (suppôts religion rigoureuse qui veut entrer en Djihad contre tout poil rebelle) et de l’autre les Pilophiles, êtres étranges et déviants qui osent aimer les poils (à classer au même titre que les zoophiles, les nécrophiles et les philatélistes).

Mode Intégrale

Ce qui est très intéressant dans les réponses que j’ai eues au sondage, c’est que la plupart de celles qui affirment pratiquer l’épilation intégrale parce qu’elles trouvent cela plus beau et plus hygiénique y voient également un effet de mode. Cela revient à peu près à dire : Je trouve que se laver les dents les rends plus propres et donne meilleure haleine mais je pense que c’est un effet de mode et que ça passera…

Cela montre la complexité de la question… Mais elle est d’autant plus importante que l’épilation intégrale peut être à terme irréversible (sauf si vous avez comme moi des poils mutants et/ou de origines portuguaises). Verrons-nous donc un jour des femmes se faire des implants pour retrouver la toison (pas d’or) qu’elles ont perdue ?

Une idée largement partagée est que notre espèce évolue vers une pilosité de plus en plus réduite. Et pourtant, un bref horizon géographico-historique montre que cette vision est loin de la réalité :

En Egypte, en Grèce et dans l’Empire romain, les femmes (en particulier dans les hautes sphères de la société) s’épilaient ou se rasaient le pubis…

En Europe, dans les années 20, les femmes se sont libérées de leur corset et sont devenues plus audacieuses.  A cette époque, est née la mode de la Bush-coiffure, à savoir la mise en plis des poils pubiens. Donc dans les années 20, bigoudis au kiki = Sexxyyy !

C’est seulement dans les années 60 que  l’explosion du libertinisme et de la pornographie fait réapparaître l’épilation intime. Et encore, en parallèle, émerge le mouvement hippie où les filles nues de Woodstock sont toutes de poils vétues.

Pour les Indiens, l’épilation des parties intimes est un élément essentiel de l’érotisme alors qu’en Corée l’implant de poils pubiens est courant car c’est un signe de fertilité.  De même, au Japon, des perruques spéciales répondant au doux nom de « Fleur nocturne » font fureur parmi la jeunesse qui estime ne pas être assez fournie en poils et ce en raison de leur âge et de leurs origines (*). Vous vous dites sans doute : ils sont fous ces chinois…

Mais détrompez-vous, l’europe a connu par le passé de telles « moumoutes à foufoune » au XVIème siècle. Desmond Morris en parle dans son livre The naked Woman : « Les perruques pubiennes étaient décorées avec des bijoux, des fleurs, ou de rubans colorés. […] Il y a des preuves qu’elles furent populaires au XVIe siècle. On a appris leur existence d’une manière inattendue. Le corps assassiné d’une marquise française avait été abandonné dans une rue, les parties génitales délibérément exposées.  Là, pour que tout le monde puisse le voir, se trouvait sa perruque pubienne « ornée de rubans à frange de toutes les couleurs ». Il semble que le roi de France insistait pour que les dames de la cour restreignent la splendeur de leurs robes. Elles obéirent à leur monarque, mais compensèrent cette obligation en portant des décorations à la mode en dessous.[…] »

Palpitant  non ?

L’épilation est donc une question fondamentalement sociale. Nous pensons souvent que les poils sont voués à être bannis mais qui aurait pu dire il y a quelques années que la moustache reviendrait à la mode ? et le gilet pour les garçons ? et la combinaison à fleurs ? Ce qui nous parait laid aujourd’hui parce que nous sommes conditionnés à penser comme ça ne le sera peut-être plus dans quelques années.

Véhiculée par les magazines, les films pornos et la publicité, l’idée se répand que vous n’êtes attirant que de façon inversement proportionnelle à votre pilosité. Vous êtes donc conditionnés.

Le marque « Veet » a d’ailleurs tenté de faire entrer le plus tôt possible dans la tête des filles que poils rebelles = fille remoche. Le site a fait scandale et a dû être fermé mais le clip est encore visible (attention, le risque de vous retrouver avec cette chanson débile dans la tête est élevé) (**).

On vous inculque donc que si vous êtes épilée, vous êtes plus attirante, que c’est plus beau et plus propre.

Venue des pays chauds où des vêtements plus légers sont portés toute l’année, le phénomène de l’épilation se répand toujours plus. Et pourtant, puisque nous parlons de tropical, il me semble important de mentionner que les muqueuses ont besoin d’humidité. Or, celle-ci est retenue par les poils. En résumé l’idéal dans notre culotte est un climat tropical et l’épilation intégrale  s’apparente à la déforestation en Amazonie. Contrairement à l’idée que ce serait plus hygiénique, les poils protègent des bactéries (eh oui, ils ne sont pas là QUE pour vous pourrir la vie).

Bien sûr, il n’est pas nécessaire d’arrêter toute mesure disciplinaire sur vos poils (sinon c’est la fin de l’autorité que vous avez sur eux), mais il faut veiller à ne pas tendre vers le cas extrême du génocide pileux.

Sexualité intégrale : Sexy vs sauvage

La question de la sexualité est au cœur de l’épilation intime. Les détracteurs et détractrices de l’épilation intégrale oscillent entre l’idée que cela ferait « actrice porno » et « petite fille ». Mais c’est sur un autre terrain que se battent les intégralistes :

C’est Eva Longoria qui, la première a fait tomber le tabou dans le magazine américain Cosmopolitan : « « Ca rend le sexe encore meilleur. Croyez-moi. Au début, c’est douloureux de se faire épiler, mais plus on le fait, moins ça repousse. Et c’est trop bien. Je ne jure que par ça. Toutes les femmes devraient essayer au moins une fois. Les nuits d’amour qu’elles connaîtront ensuite les feront recommencer. » Cet avis est confirmé par une des filles ayant répondu au sondage.

Arrivées à ce point vous en venez à regarder votre entrejambe horrifiée d’avoir raté le passage au troisième millénaire (malgré votre collection de sex toys et votre tenue de soubrette)… Et puis, alors que vos poils vous enjoignent d’une bouclette suppliante de les laisser vivre en vous promettant une douleur intense si vous osez les déloger, un doute vous assaille.

Ils sont bien là pour quelque chose au départ non ? Et puis, dans un monde polissé, quelques poils ne sont-il pas un petit poil de folie qui nous reste ?

Certains considèrent qu’avoir des poils aujourd’hui, c’est faire de la résistance face à un conformisme aseptisé. C’est le cas de Stéphane Rose  dans son livre « Défense du poil – Contre la dictature de l’épilation intime ». (vous pouvez lire ici une interview de cet auteur.  En passant, vous pourrez admirer le tableau « l’origine du monde » de Courbet, qui nous amène à réfléchir sur ce fameux lien : poils et sexualité).

Cette idée me plait parce qu’elle est totalement en adéquation avec la ligne de pensée de ce blog.

Il faut d’ailleurs se méfier des forums où les Intégralistes, toutes à leur ardeur religieuse tendent à dissimuler la douleur de la pratique derrière une extase promise.

D’ailleurs, quand on interroge les garçons sur le sujet, on découvre qu’ils ne sont pas tant influencés que ça par le conformisme érotique des films pornographiques. De  « c’est dégueulasse » à « j’aime les chattes poilues »,  en passant par : «  l’épilation intégrale de change rien pour moi, je porte la moustache », beaucoup de garçons ont montré leur rejet de cette pratique.  A noter un témoignage surprenant : « Pas de repère velu dans le noir c’est chiant ». Cela rejoint l’idée que les poils pubiens d’une femme, au même titre que sa poitrine sont un signe de sa maturité sexuelle. Une femme (très très trèèèès schématisée)

D’autres garçons y sont plus favorables : du laconique « ok. Agréable »ou « Plus propre »au « c’est beau esthétiquement, ça permet d’avoir des sensations et des fantasmes, mais c’est risqué » avec une mise en avant de la  « sensualité de la peau lisse ».

Le match se solde à un 3 « pour » ce genre d’épilation et 5 « contre ». Cela est d’autant plus important que 3 filles ont pratiqué l’intégrale sur demande de leur copain et 6 filles se sont dites prêtes à le faire si leur copain le leur demandait.

Et c’est là que la question devient grave. Est-ce que les femmes se sont battues pour sortir de leur rôle de mère au foyer pour tomber dans celui de Bimbo ?

D’ailleurs, il faut chercher à voir plus loin que la seule question de l’épilation, puisque si nous suivions tous les dogmes censés créer le prototype de l’individu attirant, qu’est-ce que cela donnerait ?

Petite devinette :

Je n’ai aucun poil et suis perpétuellement bronzée, j’ai les cheveux longs et soyeux, la taille fine, Pas de ride, pas de graisse, pas de cellulite, des gros seins (refaits ?) hauts, agressifs  et des lèvres pulpeuses…

Je suis-je suis-je suis : Barbie bien sûr !

(promis, on parlera de Ken dans le prochain article)

Intégraliste ou Pilophile, je laisse chacune (et chacun) choisir son camp mais j’espère vous avoir donner des éléments pour réfléchir un poil plus loin que le bout de votre pince à épiler.

Si vous voulez connaître le côté masculin du phénomène pilophobique, c’est par là.

~*~

(*) ces informations palpitantes sont tirées d’un site de haute propagande intégraliste. (http://www.feminin-masculin.com/Epilation-intime.html)

(**) Si le sujet vous intéresse, vous pouvez lire le très bon article de Rue 89 sur le sujet : http://www.rue89.com/rue69/2011/05/06/epilation-integrale-critique-veet-coupe-son-minou-tout-doux-202689

4 Réponses to “Enquête intégrale et boules à zéro (2)”

  1. Blogorrhée 25 juin 2011 à 03:36 #

    Hello!

    Juste pour signaler qu’on parle de vous ici: http://blogorrhee.canalblog.com/archives/2011/06/19/21477664.html, ça vous fera peut-être plaisir ! (redirection vers votre blog à la toute fin de l’article)

    Keep going,

    Blogorrhée

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  1. Enquête intégrale et boules à zéro (1) « - 28 juin 2011

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